1 août 2014

Dictons d'août - Pergaud/Jaurès









C'est la mobilisation le 1er août 1914 !
Nous suivons les évènements en 1914 avec Louis Pergaud :

Il écrit à Jules Duboz, son beau père :

   "On pensait déjà, hier soir, que le décret de mobilisation serait affiché cette nuit ; pourtant, ce matin, rien encore n'était paru.
   Mais on disait que ce serait pour midi ou certainement dans la journée ; déjà, paraît-il, toutes les classes jusqu'à celle de 1900 comprise, auraient été convoquées à Nancy et aux environs.
   Il est certain que jamais la situation n'a été aussi tendue et aussi menaçante.
   Pour comble de malheur, un misérable, un sale camelot du roi, une fripouille stupide, a assassiné Jaurès hier au soir, en lui tirant trois coups de revolver par derrière.
   Il est mort sur le coup et l'émotion est intense car, avec ce grand citoyen, qui était vraiment le meilleur des hommes et le plus éclairé des patriotes, disparaît un des meilleurs conseillers du peuple de France, et un des plus vigilants gardiens de la paix dans le monde.
   C'est un crime sans nom qui me bouleverse et me révolte.
  Jamais dans des époques de crise, comme celle que nous subissons aujourd'hui, on n'a tant senti le besoin de se serrer les coudes, et c'est justement à l'heure où le parti socialiste tout en faisant pour la paix des efforts désespérés se solidarise nettement avec le reste de la nation et fait trêve aux haines politiques qu'on égorge lâchement son chef vénéré.
   Il y a de quoi hurler non tant contre l'idiot dont le bras a agi, mais contre les lâches provocateurs qui, dans d'immondes feuilles de chantage, propagent les plus abominables calomnies contre les honnêtes gens, et poussent les plus faibles d'esprit à des actions aussi épouvantables que celle-là.
   Vous savez sans doute qu'on a intenté des poursuites contre Paris-Midi et son directeur pour propagation de fausses nouvelles très alarmantes
   Ce directeur ... à peine naturalisé Français, un nommé Kartoffel (mot qui signifie en allemand pomme de terre, patate, si vous aimez mieux 1) ... signe de Waleffe ? ... Chaque jour, à midi, il déverse sur les militants socialistes et radicaux les plus immondes calomnies et fait un étalage d'un patriotisme aussi tapageur que peu sincère. 
   A l'instant où je vous écris, 10h 1/2 du matin, je n'ai pas encore reçu mes souliers (Cf lettre du 29 juillet)  ; sans doute que les gens de Valdahon ou Vercel n'ont pas mis la même diligence que vous à me les faire parvenir ...
   2 heures après midi
   Le colis n'est toujours pas arrivé, mais déjà une partie des réservistes ont reçu leur ordre d'appel individuel et je me suis muni.
   La crise économique passe à l'état aigu ; au marché aujourd'hui, il était impossible de se procurer des pommes de terre ; des gens font la queue aux portes des vendeurs de comestibles ; les grands magasins ont vendu tous leurs légumes secs et toutes leurs pâtes. Néanmoins, cela n'a pas augmenté et il est encore possible de tout se procurer ; d'ailleurs Delphine a des provisions d'avance et Paris ne manquera pas de vivres ..."


1 -  Son nom était, en réalité, Kartuyvels, et, pour n'en citer qu'un exemple, voilà ce que l'on pouvait lire, sous sa signature, dans Paris-Midi du 17 juillet 1914 : "A la veille d'une guerre, le général qui commanderait à quatre hommes et un caporal de coller au mur le citoyen Jaurès et de lui mettre, à bout portant, le plomb qui lui manque dans la cervelle, ne ferait-il pas son plus élémentaire devoir ? Si ! Et je l'y aiderais."