18 août 2014

Mardi 18 août 1914

Louis Pergaud écrit à son épouse :

   " A l'heure actuelle la grande bataille doit être engagée et notre régiment qui, si les Allemands avaient réussi l'attaque brusquée qu'ils préméditaient, auraient été sans doute des premiers à recevoir les coups, se trouve par la marche des évènements en arrière de l'action, ce qui retarde l'heure à laquelle "nous entrerons dans la carrière".
   Quand les autres n'y seront plus, notre tour commencera, et il est à présumer que ce sera peut être moins rude qu'au début, les ennemis se trouvant déjà sans doute démoralisés et épuisés.
   Cette bataille sera probablement unique dans les annales du temps, et je ne voudrais pas ne pas y prendre part. J'ai la plus vive foi dans mon étoile. 
   Aller au feu n'est pas si terrible. J'ai vu des camarades qui en sont revenus : il leur semblait vraiment qu'ils ne faisaient rien d'autre que ce qu'ils avaient déjà réalisé au cours des manoeuvres. Et puis, la vie que nous menons ici avec les corvées exténuantes et son attente énervante est moins agréable sans doute que l'existence que doivent vivre ceux qui sont dans les tranchées ou aux avant-postes.
   Verdun est une jolie ville, fort vieille et fort coquette. Les maisons qui sont sur la Meuse font penser à Ornans, et, de leurs fenêtres, les riverains peuvent pêcher à la ligne. Voilà qui devrait faire la joie du papa Duboz 1.

- 1 Beau-père de Pergaud.