31 oct. 2014

Samedi 31 octobre 1914

Louis Pergaud écrit à son épouse :

   "Nous sommes plus tranquilles que je ne pensais et j'en profite pour t'écrire plus longuement.
   D'abord notre première nouvelle nuit dans la tranchée 1 devant les Boches à 500 ou 600 mètres, n'a pas été froide, et j'en étais bien content ; au reste, l'eût-elle été que nous ne l'aurions pas senti, car, toute la nuit, nous sommes restés debout, tantôt creusant des boyaux d'approche pour faire, plus près de l'ennemi, de nouvelles tranchées, tantôt améliorant les abris, les terriers des anciennes où l'on peut dormir, tantôt tiraillant, car, à deux ou trois reprises, dans l'obscurité, il y a eu alerte, à tort ou à raison, et l'on a tiraillé ferme et les Boches ont répondu.
   Ca crépitait. Les Boches lançaient en l'air des fusées éclairantes qui illuminaient tout le terrain compris entre les tranchées. Dans la nuit, les silhouettes d'arbres avaient l'air de marcher et deux sections ayant moins de sang-froid que la mienne, sans compter les mitrailleurs, ont recommencé un feu, alors que moi, j'interdisais à mes hommes de tirer pour rien. Je crois qu'en effet il n'y avait rien, sauf, peut être, au début, une patrouille allemande qui venait pour nous embêter quand nos hommes tendaient en avant les réseaux de fil de fer.
   On ne travaille que la nuit, car, de jour, sauf de temps à autre par des créneaux, personne ne se montre, quelques balles partent de côté et d'autre dès qu'un poilu allemand ou français apparaît au-dessus de la ligne grise des tranchées.
   De jour, cachés par le parapet, les hommes aménagent leurs trous, creusent des terriers comme des renards, mangent et roupillent.
   Deux de mes hommes m'en ont arrangé un où j'ai dormi de dix heures à deux heures de l'après-midi roulé dans ma couverture et ma toile cirée, ma foi pas trop mal ...
   ... C'est effrayant ce que l'on bouffe dans les tranchées ; le grand air, les travaux de terrassement (car je mets de temps à autre, comme les hommes, la main à la pâte) vous aiguisent terriblement l'appétit. Hier, j'ai mangé une demi-livre de chocolat, une énorme portion de viande, du pâté, ma demi-boule sans compter deux tartines de beurre (voui, madame) que le soldat Gauthier, un gars normand rouquin et plaisant en diable, vrai troupier français, démerdard, ayant toujours le mot pour rire, m'a offertes. En échange, je lui ai donné du chocolat. Et voilà !
   Ce matin, moi qui ne mange rien d'ordinaire, j'ai absorbé deux quarts de jus et deux quarts de cacao, ces derniers obligeamment offerts par un camarade parisien, le sergent Guillonneau, le tout avec de respectables morceaux de "bricheton" 2.

1 - Tranchée de Riaville

2 - Bricheton : Mot de caserne tiré des patois : c'est le diminutif du normand : brichet = pain d'une livre ou deux fait pour les bergers.

30 oct. 2014

28 oct. 2014

Mercredi 28 octobre 1914

Louis Pergaud écrit à son épouse :

   "Comme je te le faisais pressentir nous avons dû, après seize jours de bon repos, quitter le camp 1 et reprendre notre place dans le bataillon, et dans le régiment. Lundi soir, nous sommes arrivés à Manheulles ...
   ... Je voudrais que tu puisses voir nos installations diverses. C'est tout ce qu'il y a de plus pittoresque et de plus émouvant en même temps. Tant que la compagnie reste ici nous mangeons tous ensemble et c'est une gaîté perpétuelle, si je puis dire ; la plus franche bonne humeur règne continuellement ; on plaisante, on rit ; d'aucuns chantent. On parle des siens et de la campagne ; on discute tactique ou autres questions sérieuses ou plaisantes.
   Avant-hier soir, dans notre grange, à la lueur de mauvais bouts de bougie, nous avons fait notre repas en causant et en plaisantant. Pourtant, nous étions fatigués et le sac, après la quinzaine de repos, avait paru plus lourd que d'ordinaire.
   Hier, assis en rond sur un peu de paille, nous avons également partagé le singe et les fayots de l'ordinaire arrosés d'un quart de "pif" (vin). Demain, ce sera pareil et rien ne paraît meilleur que ces repas frugaux pimentés de bonne humeur et de fatigue
   ... Ah ! que ce cauchemar héroïque, comme me l'écrit Vallette, finisse vivement.


1 - Camp de Tillot.

2 - "La compagnie se renforce. Le lieutenant Legouis commandera la 4ème section à laquelle est affecté un nouveau sergent. Nous prendrons encore nos repas d'aujourd'hui en commun. Assis par terre sur un peu de paille dans une maison délabrée, chambre sans meubles, nous mangeons à midi. La 4ème section nous offre à Dastis et à moi, un petit plat de légumes délicieux. Le soir, comme par suite d'une erreur, on n'a pas touché de distribution, ni pain, ni vin, nous nous mettrions la ceinture sans les poilus de la 4ème qui ont confectionné une immense soupe aux légumes exquise. Une salade sans huile, assaisonnée seulement de sel et de vinaigre que ce brave Philippe, le cuisinier, brasse à pleines mains, complète ce repas simplifié. Vers 9 heures, la viande étant arrivée, le cuisinier nous fait un bifteck. Nuit en commun calme et chaude." (Carnet de guerre, mardi 27 octobre.)

Fusain

En ce moment les "Bonnet d'évêque"  resplendissent !

Route de Clerval 26 octobre 2014


Nous avons présenté le Fusain sur ce site dans un article intitulé "Deux Champignons et le Fusain" en octobre 2012.
Le Département de Biologie de l'ENS de Lyon le présente aussi avec d'autres détails intéressants :
Le Fusain, la plante du mois.

Ces jours derniers les arbustes étaient très colorés et, sur fond de ciel bleu, offraient un contraste saisissant. Les feuilles voisines n'étant pas encore teintées le mélange était étonnant !


Les capsules globuleuses, qui ont donné au fusain le nom de "Bonnet d'Evêque",  sont formées de quatre lobes arrondis rose indien. Ceux-ci s'ouvrent à maturité, en ce moment, laissant apparaître 2 à 4 arilles toxiques, brillantes rouge-orange, consommées par les oiseaux.







26 oct. 2014

Dimanche 25 octobre 1914

Louis Pergaud - Carnet de guerre

   " Lever de soleil superbe - journée magnifique d'automne - je suis de garde - revue d'armes  et de bouthéons * noircis. Le capitaine m'annonce que nous partons demain et bien que je sois content de repartir, je n'en éprouve pas moins une certaine émotion à quitter ce camp où nous avons coulé une quinzaine si calme et si reposante. Mais repartirons-nous ? Est-ce bien sûr ?
Pas de lettres. Il est certain que le vaguemestre n'est pas allé hier à Jardinfontaine et que le petit paquet qu'il m'a remis était un résidu de lettres venues d'un peu partout des autres Cies ou d'ailleurs. Pas de colis non plus. Quand il n'a pas de voiture pour les monter à Chevret, ce monsieur préfère s'abstenir et les laisser à Jardinfontaine."

* bouthéon : (Argot militaire) Marmite aplatie  en métal en usage dans l’armée depuis au moins la première guerre mondiale, contenant de quoi nourrir quatre soldats.




Voillans, cent ans et un jour après. (Dimanche 26 octobre 2014)

Au Trembloi - à gauche "en Cuchelin"

Au dernier plan :  Sommet du Bois de Chaillon qui culmine à 554m

Photos du 26 octobre - d'un cossard anonyme !

Vues prises au Trembloi : l'une de nos Belles Promenades





21 oct. 2014

Le Vulcain Atalanta

Beaucoup de fleurs ces derniers temps sur le site de Voillans ! Voici, aujourd'hui, un papillon que l'on peut admirer dans le village. Vous l'aurez sûrement remarqué un jour !


Ce papillon est très courant, il est noir avec une bande rouge-orangé et quelques taches blanches sur les ailes supérieures. Son nom "Vanessa Atalanta" lui a été donné en référence à la rapidité de la course d'Atalante. C'est un des papillons dont les migrations ont été étudiées.
Il vole de mai à octobre en général. Il aime se poser sur les fruits fermentés pour en tirer du jus.
On le voit souvent dans nos jardins en cette période automnale !


En savoir plus

Et quelques belles photos

20 oct. 2014

Mardi 20 octobre 1914

Louis Pergaud écrit à son épouse, dans un moment de répit :

   "Ce matin, je me suis engagé un instant dans les bois qui entourent le camp, pour écouter, comme je le faisais les années d'avant, les geais se rassembler et piauler. Ah ! les bonnes journées de Landresse où je retrouvais en arrivant la soupe chaude, un bon feu et ton sourire !
   Un ramier m'a fait l'honneur de se poser sur un chêne au-dessus de ma tête. Il a regardé et écouté longuement, et puis, prrt ! mon pantalon rouge qu'il a dû entrevoir à travers les branches ne lui a pas inspiré confiance, et il est parti dans un fracas épouvantable. Là-dessus, je suis rentré au camp où nous menons depuis deux ou trois jours une existence un peu de paresseux. Nous y sommes isolés, mais choyés tout de même par le major et le colonel comme de grands gosses qui ont beaucoup souffert, éprouvés de lourdes pertes, et à qui on ne refuse rien, sauf l'interdiction de communiquer avec le reste du monde. Tous les jours nous avons un quart ou un demi-litre de vin, quelque-fois de l'eau-de-vie et un casse-croûte supplémentaire de sardine, pâté ou autre comestible qu'on peut trouver à la cantine. Chaque jour, une corvée s'en va et par derrière achète ce qu'on peut acheter : conserves ou chocolat : conserves pas très bonnes et chocolat médiocre. Ce qui manque le plus c'est le sucre et aussi les pommes de terre qui pourtant remplaceraient avantageusement le riz dont on nous sature depuis quelque temps ...
   Le ciel est brumeux et le canon s'est tu. Les jours monotonement s'enchaînent. Quand verrons-nous la fin de cette campagne ? ..."

19 oct. 2014

Plantain

Le plantain ou "langue d'agneau" ou encore "herbe des charpentiers" est facile à trouver à Voillans.
Cette plante pousse au bord des chemins, dans les champs et dans nos jardins.
Vous l'avez sûrement piétinée, vous avez même sûrement tenté de l'éradiquer de vos pelouses ou de vos allées la considérant comme une mauvaise herbe ...


Quel dommage ! Cette petite plante est l'un des médicaments très utile et l'on peut la récolter !
Connu depuis l'antiquité, elle était utilisée pour soigner un certain nombre d'affections. Le plantain est toujours reconnu comme un adoucissant aux propriétés antitussives et antibactériennes.
En usage externe par exemple il permet de calmer les démangeaisons (piqûres d'insectes).
On peut même le cultiver et le cuisiner en salade ...


En savoir plus "Le plantain, une plante médicinale contre la grippe"

Naturellement le Plantain est utilisé en phytothérapie

17 oct. 2014

Fête de la Soupe - Bois-la-Ville


Samedi 18 Octobre 2014

L'Amicale de Bois-la-Ville organise aussi sa deuxième fête de la soupe en nocturne, toujours au centre du village, sous chapiteau avec animation, restauration, 12 soupes à déguster, entourées de 24 artisans d'art locaux.

Le principe : chacun achète son bol à l'entrée pour pouvoir goûter à toutes les soupes.

Tirage d'un gros lot à gagner pour celui qui découvrira le nom de la soupe surprise.

Rendez-vous à Bois-la-Ville (Hyèvre-Paroisse) de 18h à 22h30.

Pour tout renseignements:06 79 65 11 53.




Samedi 17 octobre 1914

Louis Pergaud écrit à Edmond Rocher *

   "Après avoir été arrosés par les shrapnells allemands et vécu quelques jours et quelques nuits inoubliables sous le feu et le gel mangeant à la diable et crevant de soif on nous a évacués, des cas de typhoïde ayant été constatés chez nous ...
   C'est dur, mon vieux, mais on s'y fait. Nous sommes encore pour quelques jours en observation et, après, nous reprendrons notre place dans les tranchées, sous les balles, face aux lignes allemandes.
   Sers la France, mon vieux, sers-la bien dans la mesure de tes forces et ne demande pas à venir partager la vie que nous menons ici. Tu n'y tiendrais pas probablement : les nuits sont terribles dans les marais de la Woëvre et, à la suite des fatigues harassantes des jours, on se réveillait après deux heures d'un sommeil hanté de cauchemars et qui n'était pas du repos avec des frissons dans le dos, les genoux ankylosés, les pieds comme des glaçons, tous les poils hérissés et blancs de givre.
   Et souvent impossible de se lever, les feux des projecteurs allemands fouillant la plaine. Ah ! comme on appelait le jour et l'action qui réchauffe, et le soleil qui fait revivre. Dans ces conditions, notre situation actuelle nous apparaît pleine de confort ; pourtant la tente n'est pas un palais et la paille ne constitue pas toujours un matelas bien chaud.
   Je ne te raconte pas en détail ce qui s'est passé au cours des journées où nous avons été engagés, ce sera pour plus tard. J'ai vu éclater sur ma tête et à mes côtés autant d'obus qu'il est possible, j'ai vu tomber des hommes et mon lieutenant, j'ai dû faire replier moi-même la section dont je devenais le chef à 200-300 mètres en arrière pour échapper à ce feu d'enfer. A aucun instant je n'ai connu la peur : j'avais autre chose à faire et mes hommes à l'abri, prêts de nouveau à une offensive vigoureuse, nullement entamés ni découragés, je n'ai trouvé qu'un trou d'abord, puis deux dans ma capote. J'ai ramassé un éclat d'obus que j'ai emporté dans ma cartouchière et quant aux balles qui ont sifflé à mes oreilles et bourdonné autour de mes tempes, je crois qu'elles sont aussi nombreuses que la postérité que Dieu le Père, dans son infinie miséricorde, promit à Abraham aux jours bibliques.
   Tout ceci pour te dire, vieux, qu'on peut être rudement exposé et en revenir sans une égratignure. Depuis, je commande la section, toujours comme sergent, et je te prie de croire que je sais me faire obéir : sévère et fraternel à la fois et juste autant que possible. Je ne sais pas si on me nommera sous-lieutenant. Si je demande, ce serait chose faite tout de suite ; mais je n'aime pas demander et j'attends. En passant mon brevet de chef de section, j'ai prouvé que j'étais capable de diriger des hommes ; si l'on me demande, je dis : présent. Sinon, je continue à en remplir les fonctions dans ma modeste capote de sergent.
   Au reste, nous formons, les sous-officiers de la compagnie, une équipe fraternelle qui s'entend le mieux du monde.


* Edmond Rocher, romancier, poête et littérateur

15 oct. 2014

Voillans vu du ciel en automne

Un autre Cossard Anonyme nous envoie ces superbes vues du village prises du ciel aujourd'hui vers 13 heures. Jeu d'ombre et de lumière.
Merci !

Au loin on distingue Autechaux et Europolys





Aire de Jeux

L'entreprise Philippe Guillaume poursuit ses travaux pour l'aménagement de l'Aire de Jeux, Rue des Cossards.






Coucher de soleil du 14 octobre

Un Cossard anonyme nous a confié ce Coucher de Soleil qui fait suite à celui du 13 octobre.
Merci, cher ami !


14 oct. 2014

Mercredi 14 octobre 1914

Louis Pergaud note dans son carnet de guerre :

   "Le gosse recueilli à Etain par la Cie s'appelle François Pierrat - il était dans les champs quand les Boches sont arrivés incendiant le village - ses parents ont fui, lui a rejoint les premiers soldats qui passaient du 364e - puis le 166e. Pluie - partie de cartes - mon sommier s'effondre à demi - j'ai un peu mal à la tête et de l'embarras gastrique. Pas de lettres."

13 oct. 2014

L'automne se fait attendre ...

... pour les couleurs qui tardent à venir réjouir nos yeux, et, compte tenu des averses orageuses de cette nuit, il est probable qu'elles se feront rares cette année.

Le village est calme, les alentours également.

Route de Vergranne

Un peu plus haut avec une éclaircie

Le ruisseau, lui, digère les eaux de pluie

13 octobre 2014

 Par contre les couchers de soleil sont flamboyants

13 octobre 2014 - 18 h 45


12 oct. 2014

Lundi 12 octobre 1914

Louis Pergaud après une semaine difficile, qu'il a décrite dans son Carnet de Guerre (voir nos derniers textes), écrit une longue lettre à Delphine, sa jeune épouse :

   " Enfin, j'arrive à décrocher un petit instant, pour t'écrire, et te raconter un peu plus en détail ma randonnée de la semaine dernière.
   Dès mon arrivée à la 2ème compagnie, j'ai vécu une nuit de Robinson en plein bois. C'était agréable et plein de pittoresque ; le lendemain soir, j'entrais réellement en campagne, et j'allais avec ma compagnie occuper le petit village de Bonzée-en Woëvre à quelques kilomètres des avant-postes prussiens. Tandis que les camarades restaient au village, en grand'garde, moi je venais m'installer à un kilomètre en avant avec douze hommes, comme chef de petit poste, où j'ai veillé toute la nuit, pour ne pas être surpris par une attaque ennemie. Le soir, nous remontions à dix heures à la tranchée de Calonne, mais au lieu de dormir; nous allumions des feux pour  faire cuire le repas du lendemain, car à quatre heures du matin, nous repartions en avant dans la direction d'Haudiomont, attaquer la ligne allemande. Ce jour-là, c'était le 6 octobre, nous étions en soutien d'artillerie, et, si nous avons vu nos 75 envoyer de nombreux obus aux Boches, nous n'en avons pas reçu. Mais le lendemain, nous nous sommes portés en avant, et nous sommes venus occuper, au nord-est de Fresnes-en Woëvre, une tranchée à 1 500 mètres des batteries allemandes, qui canonnaient tous les villages environnants. Déjà à Bonzée, j'avais entendu le sifflements de leurs obus, canonnant les batteries de la tranchée de Calonne, mais ils passaient bien au dessus de nous. Ce jour-là, nous avons été visés, et plusieurs gros percutants sont venus éclater à quelques mètres en avant et en arrière de nous ; un éclat m'a même rempli de terre le cou et j'en ai retrouvé à dix centimètres en avant de la tranchée un petit morceau que je te conserve comme souvenir.
   Le soir, nous nous sommes reportés plus en avant, dans une prairie humide à l'est de Fresnes-en-Woëvre, pour attaquer la cote 233 (1). Les Allemands ont exécuté à la nuit une violente contre-attaque que nous avons repoussée, et j'ai entendu pour la première fois le bourdonnement de mouche des balles. Ca n'a pas du tout l'air méchant, et je mentirais en te disant que ça m'a provoqué une émotion autre que celle de la curiosité. De même, le bruit de castagnettes de la fusillade est quelque chose qui ne vous fait absolument rien.
   Pour en revenir au point où j'en étais, nous avons passé la nuit dans des prairies humides, après avoir mangé quelques vivres de réserve, car les routes étant canonnées, la distribution de la veille n'avait pas pu se faire, et les hommes qui n'avaient rien s'étaient mis la ceinture.
   Malgré la couverture, après avoir dormi harassé de dix heures à minuit, je me suis réveillé glacé et, avec mon lieutenant et quatre hommes que j'avais également réveillés, nous avons commencé à creuser une tranchée. J'ai bu, pour me soutenir, un peu d'alcool que j'avais gardé des distributions précédentes, et, tout en nous aplatissant de temps à autre, pour ne pas être distingués par les feux des projecteurs allemands qui fouillaient la plaine, nous avons atteint le jour, un jour splendide d'octobre, le 8, avec un soleil magnifique, et un ciel d'une adorable pureté. Nous nous sommes reportés en avant, ma section, la 4e, au coin d'un petit bois. Sitôt arrivés, nous commençons à creuser une tranchée, mais nous sommes repérés par les batteries allemandes, et bientôt leurs obus éclatent de tous côtés dans la plaine. Nous tenons bon, et, d'ailleurs leurs projectiles font peu de victimes. Mais, vers midi, les salauds, après avoir exécuté sur notre flanc droit une marche dans un ruisseau, s'emparent du village de Champlon et veulent nous déborder. Leur artillerie redouble. C'est un feu extraordinaire, un feu d'enfer. Peut être plus de 50 obus sont tombés en un quart d'heure, rien que sur ma section. La position est intenable, et nous nous replions à deux cents mètres en arrière, derrière une crête, toujours sous le feu de l'artillerie. Nous avons eu un tué, trois chefs de section (deux officiers dont mon lieutenant) blessés, et en tout cinquante trois hommes blessés. Pour moi, il est tombé à cinq mètres de chaque côté, en avant, en arrière, à droite et à gauche, quatre percutants qui ont fait des trous énormes, m'ont aspergé de terre. Des obus fusants éclataient dans les tranchées sur ma tête. C'était tellement extraordinaire de voir tomber tant de fer et de fonte sans être atteint que j'en rigolais de bon coeur, sans penser un instant qu'un morceau de biscaïen (2) pouvait m'atteindre. D'ailleurs, j'ai eu tout de suite autre chose à faire, et mon lieutenant étant blessé au bras et à la cuisse, j'ai dû prendre le commandement de la section et la mener à l'abri.
   Là, plus d'obus, mais des balles. Si je n'en ai pas entendu dix tomber à un mètre de moi, je n'en ai pas entendu une. Et pas une égratignure, un simple trou à ma capote ; pourtant j'étais, soit à genoux, soit debout, pour voir en avant alors que les hommes étaient couchés? Ah ! si j'avais dû tomber, je serais déjà mort vingt fois. Ayons confiance ! je crois que les dieux sont avec nous.
   Le lendemain, nous avons réoccupé les positions et repoussé de nouveau l'ennemi. Mais tant de nuits passées dehors, mangeant à la diable, ont harassé les hommes, et des cas de tyhoïde ayant été constatés, on nous a évacués aussitôt (sur 250 hommes d'effectif, la compagnie n'en compte plus que 130, le reste blessé et malade).
   Nous voici à l'heure actuelle aux abords de Chevert, au camp de Thillot pour un temps indéterminé. Ne te frappe pas ; c'est une cure d'air que nous faisons, et la vie sous la tente est délicieuse, d'autant que je ne pense pas que nous ayons le moins du monde à redouter une épidémie. Si on nous apporte (et je l'espère) nos colis, nous serons les gens les plus heureux du monde. Mais j'éprouve quelque dépit à être ramené en arrière, alors que nos camarades combattent en avant.
   Mes fonctions de chef de section m'ont pris, ces deux derniers jours, beaucoup de temps ; mais dès que notre installation sera faite, nous pourrons nous reposer à loisir, et j'aurai tout le temps de t'écrire de bonnes et longues lettres.
   Je ne sais pas encore si je passerai sous-lieutenant. En suivant le peloton spécial, en passant mon brevet de chef de section, j'estime avoir fait tout mon devoir. Je n'ai que l'ambition de me rendre utile le plus possible, et pas autre chose. Je crois que, jusqu'à présent, j'ai fait preuve de toute la bonne volonté, de tout le courage et de tout le sang-froid que l'on peut demander à un chef : à mes chefs d'apprécier s'ils le veulent.
   Au nombre des misères de la vie du soldat en guerre, je dois encore te mentionner la vermine. Dieu merci, je n'en ai pas. Mais par la saleté d'un cochon de la 13e escouade, quelques hommes se sont trouvé des poux. Ah ! si tu les avais entendus gueuler contre le saligaud qui leur valaient cette compagnie. Ils ne parlaient que de le passer à l'étrille et de l'envoyer "ad patres". Heureusement, ils sont plus gueulards que méchants, et se sont contentés de mettre à l'écart un peu rudement ce pourvoyeur intempestif.
   ... Mon capitaine désire lire mes ouvrages, je les ai demandés à Valette (3), et les enverrai également au brave lieutenant Boizeau, qui m'a donné sur le champ de bataille, le jour de mon baptême, le plus magnifique exemple de sang-froid et de calme que l'on puisse imaginer.
   


1 - cote 233 voir 7 octobre 1914

2 - biscaïen : balle de fonte ou de fer de la taille d'un oeuf

3 - Alfred Valette - écrivain fondateur du Mercure de France 

11 oct. 2014

Valériane

Cette plante appelée également "guérit-tout", "herbe aux chats" est très répandue dans nos régions.
Elle a des vertus médicinales en particulier pour le stress, les troubles du sommeil, l'anxiété et l'agitation nerveuse. Elle est reconnaissable à ses fleurs blanc/rosé en forme d'ombrelle.




On ne la trouve plus à cette période de l'année puisqu'elle fleurit surtout l'été. Par contre on peut en trouver des tisanes en pharmacie. Les conseils d'un pharmacien sont d'ailleurs conseillé pour son usage.

en savoir plus sur ses propriétés médicinales


* * *

Un petit air d'automne (fall en anglais)




10 oct. 2014

10 octobre 1914

Louis Pergaud écrit dans son carnet de guerre :

   "Départ à 3 h 1/2 dans le brouillard et la nuit à travers champs - nous ne sommes qu'à 1 000 m des canons allemands qui exécutaient hier sur nous des tirs directs, d'ailleurs inefficaces. Il pleut. Tout le monde est harassé - marche exténuante sous la pluie. Nous arrivons au camp - sous les tentes - le ciel s'éclaircit - on a de la paille - installation des cuisines - feuillées * - 1re nuit sous la tente - repos délicieux."

*feuillées : ce sont les toilettes dans un camp militaire




Puis il écrit à son épouse :


   Samedi 10 octobre 1914.
   " Hier, je ne t'ai envoyé qu'une carte, et aujourd'hui, je n'ai pas encore le temps de t'écrire longuement, car nous sommes occupés à envoyer des pruneaux à Messieurs les Boches, qui, d'ailleurs, nous ont copieusement arrosés de shrapnells sans grand résultat. Je n'ai pas eu une égratignure. Veuillent les dieux continuer à me préserver ainsi. J'espère que ce sera beaucoup moins dur aujourd'hui. Au reste, voici six jours que je ne me suis pas lavé et, demain, trois jours que nous mangeons au petit bonheur. Heureusement que j'ai des provisions. Hier, nous avons été ravitaillés, et, avant peu, on nous enverra nous reposer pour quelques temps à notre tour. Nous avons couché trois nuits dehors en plein champ : il ne faisait pas chaud, mais chacun a sa couverture et, en trouvant par-ci par-là des gerbes, on arrive à se faire un lit passable et à ne pas trop souffrir du froid...
   ... Ah ! mon bon petit, ce n'est pas beau la guerre, et qu'il me tarde d'aller retrouver ma table de travail et mes livres.
   Au revoir, mon petit Riquet, ne te fais pas de mauvais sang, je suis courageux et prudent tout ensemble. Courageux pour moi, prudent pour toi."


Les couleurs d'automne

Comment les feuilles , en automne, prennent-elles ces couleurs que nous pouvons admirer ?


Fusain 9 octobre 2014


Que se passe-t-il en automne ?

La chlorophylle n’est pas un composé très stable: la lumière brillante du soleil la décompose. Ainsi, en été, pour garder cette belle couleur verte de leurs feuilles, les plantes en synthétisent continuellement.

En automne, les températures plus basses (surtout la nuit) favorisent la destruction de la chlorophylle et le renouvellement chlorophyllien se trouve fortement ralenti. Seul reste en place dans les feuilles un autre pigment, jusque là masqué par la chlorophylle, le carotène (plus stable) qui réfléchit la lumière jaune/orangée (le carotène est également présent dans les carottes, ce qui explique leur couleur).

Les rouges, les pourpres, et leur combinaison qui caractérisent le feuillage d’automne proviennent d’une autre famille de pigments : les anthocyanes. A la différence des deux précédents, ceux-ci n’apparaissent qu’au moment de l’automne.

Plusieurs théories sont avancées pour expliquer l’apparition de ce nouveau pigment…l’une d’elle par exemple suggère qu’il permet (en l’absence de chlorophylle) de protéger la feuille tel un bouclier, des effets de lumière (rôle anti-oxydant).

Vigne vierge 9 octobre 2014

Pampre d'Alain 9 octobre 2014

Ampelopsis 9 octobre 2014


Sur notre site d'anciennes vues en  automne 2011 et 2012













9 oct. 2014

Vendredi 9 octobre 1914

Louis Pergaud écrit dans son carnet de guerre :

   "Qu'est-ce que nous avons reçu : plus de 100 obus percutants ou fusants - le lieutt blessé, 4 hommes atteints, la marche en retraite avec des hommes qu'il fallait soutenir, guider, encourager comme des enfants. Nous reculons à peine de 300 m et le terrain sera réoccupé le soir. 3 chefs de section sur 4 sont blessés - une balle est tombée à 10 cm de ma tête - 3 obus percutants ont éclaté un à droite un à gauche, et un en avant à 3 m de moi - pendant ce temps, un autre éclatait juste au-dessus de ma tête et je n'ai rien vu. Mon lieutt est blessé au bras et à la cuisse, me voilà chef de section.
   A la crête que nous occupons, je rassemble une vingtaine d'isolés que je garde en attendant de pouvoir leur faire rejoindre leurs compagnies. Le soir bivouac devant Fresnes en feu. Le clocher d'Hennemont flambait, des soldats sont allés cuire leur viande au feu de l'incendie. J'ai bu 1/4 d'eau avec délices. Une pomme est un régal. Hier soir nous avons pris le jus.
   Ce matin nous venons de réoccuper la tranchée de l'est de Fresnes - il y a en avant de nous quelque chose qui empoisonne - homme mort ou bête crevée - de l'eau dans le tranchée - les hommes vont pour leurs besoins dans un petit coin en retrait à notre droite et l'odeur qui vient n'est guère réjouissante. Le bombardement à midi a été moins intense qu'hier. ce soir nous prenons les avant-postes. Reçu quantité de lettres - bombardement - le soir nous couchons sur les positions. Je veille toute la nuit, causant avec ce bon Dastis. Il fait froid - demain la compagnie est évacuée sur le camp du Tillat près (de) Chevert."

Le village au matin en automne

Ce matin le lever de soleil était très joli. Il illumina le village quelques instants.


Mais c'est, quelques instants plus tard, un spectaculaire arc en ciel qui s'inscrivit dans le paysage.




Avec les couleurs d'automne, c'est toujours un spectacle magique bien qu'éphémère.

Demain nous parlerons de ces couleurs d'automne justement.







8 oct. 2014

8 octobre 1914

Louis Pergaud note dans son carnet de guerre :

   "Nous reprenons nos emplacements de combat, mais dès 5 h l'artillerie des Boches nous envoie des obus. Nous sommes à peu près à 500 m d'eux. On entend dans le matin pur, sous le soleil qui se lève radieux, les commandements gutturaux. Des rafales nous pleuvent dessus sans discontinuer. Nous sommes abrités dans un petit bois de saules dont les branches craquent, mais en vérité, personne ne songe à avoir peur, c'est à peine si quelques-uns mettent la tête derrière le sac. Un caporal est blessé au talon, il n'est pas de notre section ; mais à 8 h mon caporal de la 3e escouade, ce brave Hue, parti en patrouille, revient avec une balle dans la joue au-dessous de l'oeil droit dont il ne voit plus - notre sollicitude - oh ! ce n'est rien, dit-il, et seul il se rend dans Fresne bombardé pour se faire panser.
   Petite femme chérie, j'ai bien pensé à toi hier et cette nuit et ce matin, je n'ai pas le temps de t'écrire et cependant si je dois rester sur le champ de bataille où ça chauffera dur, je tiens à ce que tu saches que tout ce que j'ai de meilleur dans le coeur est monté vers toi à cette heure grave. Je souhaiterais que tu n'eusses pas plus peur que je n'ai. Je griffonne ceci sous la volée des obus et je ne lève même pas le nez pour voir où ils éclateront, il est vrai qu'au sifflement particulier de chacun on devine tout de suite s'il sera pour soi ou pour les camarades d'avant ou pour ceux d'arrière. Ca continue, je lâche le crayon pour le flingot et Vive la France !" 

Vues d'automne

Les couleurs d'automne ne sont pas encore totalement là ! Voici deux vues du 4 octobre qui présentent le village sous un jour nouveau.

Voillans sous la vigne
Cette vue fait penser au temps où les vignes couvraient nos collines aujourd'hui boisées.