29 août 2014

Verdun, samedi 29 août 1914

Louis Pergaud écrit à son épouse :

   " ... Je voudrais tant te savoir rassurée. Il est probable que, quelques temps encore, et peut être pendant toute la durée de la campagne, nous resterons ici pour assurer la défense de Verdun. Nous aurons probablement de petits engagements à soutenir, mais nous aurons toujours à côté de nous pour nous protéger les puissants canons des forts. Hier, et avant-hier, les compagnies actives de nos régiments ont culbuté les Allemands dans la plaine de la Woëvre, après leur avoir infligé des pertes considérables. La situation générale paraît très bonne, d'autant que les Russes qui avancent toujours vont assurer la défaite de l'ennemi.
   Je suis complètement remis de mon indisposition et aussi bien portant que possible ; aujourd'hui, nous avons pris le sac par une chaleur de plomb. Ce soir, nous sommes de piquet, prêts à sauter sur nos flingots au premier signal. Ce n'est pas que nous risquons grand-chose, mais il se pourrait qu'un groupe de cavalerie ennemie réussît par surprise à franchir les lignes, et cherchât à venir mettre le feu aux faubourgs de Verdun pour semer la panique.
   Pour être prêt à toute éventualité, chacune à son tour, les compagnies veillent ; hier on a cueilli aux environs du fort de Chagny une patrouille de cavalerie allemande. Quatre hommes, qui en faisaient partie, ont été occis, et l'officier qui la commandait blessé et éclopé. Nous leur mijotons, paraît-il, un petit tour qui ne sera pas dans un sac ...
   Un de mes hommes a disparu : c'était l'ordonnance du lieutenant. Il était sorti hier pour promener son cheval, et aujourd'hui à midi, personne ne l'avait encore revu. Une patrouille envoyée à sa recherche est revenue sans l'avoir retrouvé. Imprudence sans doute, il a dû aller trop loin et s'est fait pincer.
    Au milieu de tout ceci la note gaie : une section du 166e, voyant vaguement dans la nuit des formes s'avancer au coin d'un bois, a tiré, et a tué une demi-douzaine de vaches qui paissaient.
   Autre chose. Les Allemands ont une trouille terrible des turcos et des troupes noires. deux compagnies de chasseurs ont cru bon de se barbouiller la figure de suie avant le combat. Après avoir avancé au moment propice elles se sont levées et ont chargé à la baïonnette en hurlant, effroyablement. Les Allemands n'ont pas demandé leur reste et, sans même tirer, ils ont tourné bride et fichu le camp au triple galop.
   J'en passe certainement et d'excellentes.