30 août 2014

Verdun, dimanche 30 août 1914

Louis Pergaud écrit à son épouse :

   "Hier je t'ai envoyé une lettre et une carte, cette dernière sans indications de lieu d'origine ni rien : ainsi, elle a pu partir le soir, tandis que les lettres attendent 5 jours avant de vous parvenir. Que dis-je, avant de vous être expédiées. Ceci pour des raisons sans doute très justes et que nous n'avons pas à approfondir ...
   ... Dès que ton envoi me sera parvenu, je pourrai narguer les fayots les plus récalcitrants et la bidoche la plus dure. Au demeurant, notre nourriture ici, si elle n'est pas compliquée, reste abondante et saine : nous avons du vin à tous les repas ; du café, quelques fois du chocolat le matin, que Maître Raveton, avoué de l'Académie Goncourt, et sergent à la même compagnie que moi, excellent garçon, vient préparer de temps en temps avec la gravité qu'un avoué important peut mettre à cette non moins importante besogne.
   Je crois bien, mon cher petit, que je vais être obligé d'écourter ma lettre ; il faut que je reconduise de nouveau une corvée, et ce n'est pas drôle du tout ; je préférerais aller au feu qu'aux puces, mais on ne choisit pas et l'on obéit.
   Il est probable que d'ici quelques jours, nous irons, soit occuper des tranchées, soit renforcer en avant la garnison des forts ; toutes les précautions sont prises, et je ne courrai pas plus de risques là que dans la cour du quartier. Au demeurant, je saurai être, comme tout bon chasseur, audacieux et prudent à la fois.