28 oct. 2014

Mercredi 28 octobre 1914

Louis Pergaud écrit à son épouse :

   "Comme je te le faisais pressentir nous avons dû, après seize jours de bon repos, quitter le camp 1 et reprendre notre place dans le bataillon, et dans le régiment. Lundi soir, nous sommes arrivés à Manheulles ...
   ... Je voudrais que tu puisses voir nos installations diverses. C'est tout ce qu'il y a de plus pittoresque et de plus émouvant en même temps. Tant que la compagnie reste ici nous mangeons tous ensemble et c'est une gaîté perpétuelle, si je puis dire ; la plus franche bonne humeur règne continuellement ; on plaisante, on rit ; d'aucuns chantent. On parle des siens et de la campagne ; on discute tactique ou autres questions sérieuses ou plaisantes.
   Avant-hier soir, dans notre grange, à la lueur de mauvais bouts de bougie, nous avons fait notre repas en causant et en plaisantant. Pourtant, nous étions fatigués et le sac, après la quinzaine de repos, avait paru plus lourd que d'ordinaire.
   Hier, assis en rond sur un peu de paille, nous avons également partagé le singe et les fayots de l'ordinaire arrosés d'un quart de "pif" (vin). Demain, ce sera pareil et rien ne paraît meilleur que ces repas frugaux pimentés de bonne humeur et de fatigue
   ... Ah ! que ce cauchemar héroïque, comme me l'écrit Vallette, finisse vivement.


1 - Camp de Tillot.

2 - "La compagnie se renforce. Le lieutenant Legouis commandera la 4ème section à laquelle est affecté un nouveau sergent. Nous prendrons encore nos repas d'aujourd'hui en commun. Assis par terre sur un peu de paille dans une maison délabrée, chambre sans meubles, nous mangeons à midi. La 4ème section nous offre à Dastis et à moi, un petit plat de légumes délicieux. Le soir, comme par suite d'une erreur, on n'a pas touché de distribution, ni pain, ni vin, nous nous mettrions la ceinture sans les poilus de la 4ème qui ont confectionné une immense soupe aux légumes exquise. Une salade sans huile, assaisonnée seulement de sel et de vinaigre que ce brave Philippe, le cuisinier, brasse à pleines mains, complète ce repas simplifié. Vers 9 heures, la viande étant arrivée, le cuisinier nous fait un bifteck. Nuit en commun calme et chaude." (Carnet de guerre, mardi 27 octobre.)