10 oct. 2014

10 octobre 1914

Louis Pergaud écrit dans son carnet de guerre :

   "Départ à 3 h 1/2 dans le brouillard et la nuit à travers champs - nous ne sommes qu'à 1 000 m des canons allemands qui exécutaient hier sur nous des tirs directs, d'ailleurs inefficaces. Il pleut. Tout le monde est harassé - marche exténuante sous la pluie. Nous arrivons au camp - sous les tentes - le ciel s'éclaircit - on a de la paille - installation des cuisines - feuillées * - 1re nuit sous la tente - repos délicieux."

*feuillées : ce sont les toilettes dans un camp militaire




Puis il écrit à son épouse :


   Samedi 10 octobre 1914.
   " Hier, je ne t'ai envoyé qu'une carte, et aujourd'hui, je n'ai pas encore le temps de t'écrire longuement, car nous sommes occupés à envoyer des pruneaux à Messieurs les Boches, qui, d'ailleurs, nous ont copieusement arrosés de shrapnells sans grand résultat. Je n'ai pas eu une égratignure. Veuillent les dieux continuer à me préserver ainsi. J'espère que ce sera beaucoup moins dur aujourd'hui. Au reste, voici six jours que je ne me suis pas lavé et, demain, trois jours que nous mangeons au petit bonheur. Heureusement que j'ai des provisions. Hier, nous avons été ravitaillés, et, avant peu, on nous enverra nous reposer pour quelques temps à notre tour. Nous avons couché trois nuits dehors en plein champ : il ne faisait pas chaud, mais chacun a sa couverture et, en trouvant par-ci par-là des gerbes, on arrive à se faire un lit passable et à ne pas trop souffrir du froid...
   ... Ah ! mon bon petit, ce n'est pas beau la guerre, et qu'il me tarde d'aller retrouver ma table de travail et mes livres.
   Au revoir, mon petit Riquet, ne te fais pas de mauvais sang, je suis courageux et prudent tout ensemble. Courageux pour moi, prudent pour toi."