3 avr. 2015

Vendredi 2 avril 1915

Louis Pergaud écrit à son épouse :


   " Après le déjeuner, la fantaisie nous a pris de profiter du beau soleil pour aller faire un petit tour dans les champs. J'ai eu soin de prendre de quoi écrire, et c'est en plein air, couché à plat ventre, sur la terre presque sèche, que je t'envoie ce mot 1.
   Ah ! notre beau printemps, de là-bas ! ma chérie. T'en souviens-tu ?
Comme nous étions heureux !
   Maintenant, cela ne saurait plus durer des mois et des mois et certainement le plus gros est fait. Prenons nos maux en patience, ma belle, et attendons. Voici Pâques ! Il y aura sans doute du nouveau à la Pentecôte, et peut être qu'en juillet tout sera fini, car je doute de la justesse des prévisions du brave directeur du Daily Mail dont m'avait parlé Léger.
   Aujourd'hui est partie pour vous, dans une boîte de cigarettes, la bague de guerre promise ...
   ... Comme j'ai encore un petit moment avant le départ du cycliste j'en profite pour venir t'embrasser un gros coup avant la nuit. Il fait beau et je t'imagine en peignoir dans le jardin baigné de soleil, devant la porte, en train de semer des salades ou des petits choux ...
   Chatot m'a écrit ; il a réussi à m'envoyer des cartouches de revolver, et la bonne madame Chatot y a joint du chocolat et un petit flacon de rhum. Mme Laval m'a envoyé une paire de chaussettes. Ce bon Henrique se rappelle à ton bon souvenir et te fait mille amitiés. Puy aussi m'a écrit et me revoilà avec des tombereaux de réponses à faire ; mais ça peut attendre, il n'y a que ma bien-aimée que je ne fais pas attendre.


1 - "Le bois où je m'égare quelques instants est encore sans charmes. J'aperçois un seul merle. Les frais de grenouilles dans les rigoles sont dévorés par des sangsues, les alouettes sont joyeuses et chantent à perdre haleine, mais que les champs ont de la peine à reverdir." (Carnet de guerre, 2 avril 1915)