18 févr. 2015

De lundi 15 à samedi 20 février 1914

Louis Pergaud écrit dans son carnet de guerre :

   "J'ai été très mal fichu tous ces temps-ci - rhume - grippe - courbature - fièvre - sueurs la nuit. Vu Mistarlet qui ne me trouve qu'un léger rhume et m'a purgé hier 19. Aujourd'hui j'ai encore le ventre malade, mais la tête moins lourde.
    Dans l'intervalle, la 2e est revenue, j'ai logé de Barge dans la même chambre que moi et il a quasi été convenable, sauf un jour où il était saoul et sacrait contre le capitaine Mignon et son doublard un feignant ! à propos de je ne sais plus quoi. Il y a des mouchards à la 2e parmi les ss-offs. L'un lui a répété que je ne voudrais jamais coucher après lui dans le même lit. Il me le reproche - explications cordiales.
   Jeudi à 2h nos batteries ont attaqué les Eparges. "Bousillage " magnifique. Les éclatements incessants couvraient d'une opaque fumée toute la crête forestière. Le feu a duré jusqu'au soir et pendant la nuit.
   Ai dîné ce soir-là avec les officiers d'artillerie, charmants camarades, enchantés de leur besogne - vers 10h nous nous sommes séparés  ils retournaient à leurs pièces - les phares boches éclairaient la nuit - au petit jour contre-attaque repoussée - nouvelle canonnade, ainsi que l'après-midi et le lendemain matin.
   Les trois questions du lieutenant d'artillerie et du capitaine Mercier pour savoir si un invité est franc :
- Vous êtes-vous déjà b...?
- Au lit après avoir lâché un pet, ne vous est-il pas arrivé d'agiter la couverture pour laisser l'odeur arriver jusqu'à vos narines ?
- En vous déshabillant n'avez-vous jamais passé votre index entre vos doigts de pied et porté ensuite ledit index sous votre nez ?
   J'ai dû y répondre avec ma franchise habituelle et un peu brutale qui a d'ailleurs conquis tout le monde. La Guerre des boutons" enthousiasme beaucoup ces charmants camarades."