6 mars 2012

La Châtelaine et le Curé

L'anecdote qui suit est historique et amusante !


Nous aurions pu la publier dans le cadre de nos articles sur la Révolution Française à Voillans mais elle relate des faits antérieurs à celle-ci. Néanmoins on remarquera que l'auteur du billet Cl.-Fr. Devillard est daté d'avril 1789, soit quelques mois avant la dite Révolution. Pierre Guillaume relate aussi cet incident dans son livre sur Voillans. Le texte que nous proposons aujourd'hui provient d'une Collection Particulière.


Un Autre Visage de Voillans

La Châtelaine et le Curé

1906
"Dans la seconde semaine d'avril 1789, sans doute à l'occasion d'une retraite pascale, se trouvait à Voillans le R.P. Lucien, de son vrai nom Cl.-Fr. DEVILLARD, était définiteur et gardien des Capucins de Baume-les-Dames. Au dernier Chapitre de l'Ordre, il avait été déposé de la dignité de définiteur pour cause de trop grande gaîté et pour avoir laissé introduire la dissipation la plus effrenée dans le couvent dont il était le gardien. Ce père Capucin à l'humeur si joyeuse, et aux opinions si anti-aristocratiques eut l'originale idée de conserver dans un petit cahier de notes certaines histoires amusantes qu'il recueillait dans les différentes paroisses où il allait exercer le ministère de la prédication et où il souligne malicieusement les abus des seigneurs. Ce curieux manuscrit est conservé aux archives départementales du Doubs. Or il y raconte l'aventure suivante qui s'est passée à Voillans quelques années avant son passage dans ce pays, et que les anciens se souviennent encore d'avoir entendu narrer dans les veillées d'hiver."



L'abbé J.F. JEANNIN, vicaire en chef de Voillans de 1769, selon la coutume du temps portait de très longs cheveux ; mais si le peigne y passait chaque matin, les ciseaux n'en avaient jamais diminué la longueur. L'abbé trop simple dans sa tenue, était avant tout animé du désir de consacrer sa fortune et ses économies à la reconstruction de l'église ; aussi vivait-il pauvrement et portait-il une soutane presque aussi vieille que lui. On voit d'ici l'effet brillant du frottement de la chevelure sur le col crasseux et les épaules de son vêtement de droguet verdi par les ans. C'est dans cette tenue qu'il arriva un jour dans le grand salon du château où noble dame de ROUXEL d'AUQUOY était sous le charme de la conversation de deux brillants officiers de la garnison de Besançon, dont les fréquentes visites à Voillans donnaient lieu à maintes suppositions. L'accueil fait au nouveau venu fut froid, glacial même. Il était évident qu'il gênait et que sa mise répugnait. Il s'en aperçut de suite, aussi quelques instants après, il s'empressa de prendre congé de la légère châtelaine et de ses hôtes, qui entamèrent le chapitre sur le compte du brave et saint prêtre, dès qu'il eut tourné les talons. Madame se perdit en exclamations de toutes sortes, sur le manque de propreté du vicaire en chef, et sur sa chevelure surtout qui lui agaçait les nerfs et lui soulevait le coeur. "Avez-vous vu ce col ? Cette soutane crasseuse ? C'est écoeurant ..." Bref, on devine les expressions et le thème de la critique. Dans la soirée les deux beaux capitaines, pour plaire à leur toute aimable hôtesse, se concertèrent et eurent la peu respectueuse idée de tondre de force le pauvre abbé JEANNIN. Le plan et les moyens furent complotés en secret. La sacristie sembla le lieu tout indiqué pour cette exécution d'un nouveau genre.
Le lendemain au lever du jour, les habitants du pays ne furent pas peu surpris de voir nos écuyers suivis de leurs ordonnances se rendre en grande tenue à la messe du matin. Cette dévotion si matinale - qui était loin d'être dans les habitudes des châtelains - ne manqua pas de les étonner. Ils l'eussent été d'avantage s'ils avaient été témoins de ce qui allait se passer : Sitôt la messe finie, pendant que l'abbé JEANNIN déposait ses habits sacerdotaux, un bruit sonore d'éperons fit trembler les pavés du choeur de l'église. En un clin d'oeil la sacristie fut occupée militairement, et l'abbé saisi par trois solides gaillards pendant que le quatrième promenait une paire de ciseaux dans l'abondante chevelure du pauvre célébrant qui; en quelques minutes, fut tondu comme un vulgaire manant. L'historien ne dit pas si ce fut sans plaintes et récriminations que l'opération se fit. On riait encore à coeur-joie au Château de l'aventure qu'on trouva charmante, quand l'abbé qui, lui, ne la trouvait pas si charmante que cela, prit son chapeau, attendit au passage le coche de Montbéliard à Besançon et se mit en mesure de se rendre de suite à l'Archevêché auprès de son Eminence le Cardinal de CHOISEUL, à qui l'infortuné prêtre voulait conter sa mésaventure. L'arrivée de l'abbé JEANNIN avec sa tête ne produisit pas meilleure impression dans les salons de select prélat, que sa chevelure quelques heures auparavant dans ceux de noble dame de Voillans. Les remontrances archiépiscopales ne furent pas ménagées au début à l'infortunée victime des officiers, qui apaisa le courroux de Son Eminence, en narrant son histoire par le menu et en réclamant protection et vengeance, ce qui ne se fit pas attendre. Monseigneur de CHOISEUL, outré de l'insulte faite à un membre de son clergé, porta plainte au Gouverneur militaire de la Ville, qui de suite s'enquît des noms des officiers irrespectueux et les somma de revenir au plus tôt. Quelques semaines d'incarcération à la Citadelle les empêchèrent de retourner de si tôt vers la gentille dame de ROUXEL d'AUQUOY qui trouva le temps long, mais leur permirent de méditer à leur aise sur les inconvénients d'exercer de force le métier de coiffeur. Ce fut une première punition puis réparation d'honneur leur fut demandée en des excuses écrites adressées par eux au bon abbé JEANNIN. Madame la Châtelaine fort attristée de la fin de cette affaire, en garda une dent à l'auteur de la disgrâce de ses deux amis, si bien que le bon abbé dût quitter le pays un an avant la bénédiction solennelle de l'église qu'il avait fait construire. A son tour Madame d'AUQUOY put méditer sur les inconvénients qu'il y avait à trop bien accueillir M.M. les officiers, pendant une réclusion qui lui fut imposée à la royale abbaye de Baume-les-Dames.
Velatuduro, Les Gaudes, janvier 1902


Dix neuvième siécle







Rappel

Jeudi matin à 00 h 10 sur FR3 Franche-Comté
Film
"Discrimination"

où l'on pourrait entrevoir le village lors d'un interview de François Clerc l'été dernier Place du Souvenir !


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