6 mars 2013

Lettre de l'abbé Miget (une suite)

Notre publication du 20 février dernier (Lettre de l'abbé Miget) nous a valu une réaction très intéressante de François Clerc, originaire de Voillans.

Nous lui avons demandé de publier son message car il apporte des précisions sur cette guerre de 70 qui est bien loin de nous.

Merci François !




"Je ne connaissais pas cette lettre de l'abbé Miget. Elle est fort importante en ce qu'elle relate une histoire dramatique vécue par les frères Curty. L’un d’entre eux "Marioutot" était  le grand-père de Félix Curty tué le 14 mai 1915 dans le secteur du Vieil- Armand (Hartmannswillerkopf)...

Cette lettre datée du 16 mars fait état de faits plus anciens, que l'on ne sait pas dater à quelques jours, quelques semaines, quelques mois ?
Une armée importante, l'Armée de l'Est, constituée à Bourges et essentiellement composée de Mobiles (les moblots*) était débarquée aux premiers jours de janvier par chemin de fer en gare de Baume les Dames et Clerval. La gare de Clerval constituant le terminus.  Après c'était "terre" d'occupation prussienne... 

Cette armée a été dirigée sur Villersexel et a libéré la bourgade le 9 janvier 1871 après de violents combats. Villersexel fut en partie incendiée ainsi que le château qui fut détruit - des combats eurent lieu à l'intérieur. 
Cette victoire fut une victoire à la Pyrrhus*. Le général Von WERDER avait compris la stratégie du Général BOURBAKI : ce dernier voulait se porter au nord pour libérer Belfort où le colonel DENFERT-ROCHEREAU était assiégé depuis le 03 novembre. Von Werder se replia rapidement sur une ligne Montbéliard, Héricourt, Chagey et Frahier. Il put mettre ses soldats à l'abri, les loger au chaud chez l'habitant et attendit fermement l'arrivée de l'armée Bourbaki et Clinchant (qui fut ensuite un pourfendeur de la Commune) bien retranché derrière la Lizaine avec l'avantage d'avoir la voie de chemin de fer et son talus pour faire défense. Bourbaki, retardé à Villersexel, immobilisé par des problèmes d'intendance (les chevaux n'avaient pas de fers à glace...) n'atteignit la Lizaine que vers le 14 janvier avec des troupes épuisées, mal nourries, obligées de dormir dehors par -15°... L'espoir suscité chez les belfortains qui entendaient le canon libérateur fut cruellement déçu .  La suite est connue : Bourbaki et son armée en guenilles dut battre en retraite, poursuivis cette fois par les renforts prussiens du général Manteuffel. Celui-ci la poursuivit sans répit jusqu'aux Verrières de Joux où le Général Suisse Herzog accueillit les rescapés d'une armée en déroute aux ordres du général Clinchant. Bourbaki dans l'intervalle avait tenté de se suicider...
Cette armée a laissé un souvenir de détresse et le nom est demeuré longtemps au village synonyme de misère..."




Les lieux cités

- Hartmannswillerkopf ou Vieil Armand

- Villersexel 9 janvier 1871













- La Lizaine












- Les Verrières de Joux














* moblot : homme qui appartient à la garde mobile



* victoire à la Pyrrhus : victoire chèrement acquise
En 280 avant J.C., Pyrrhus, roi d'Epire, mit une sévère raclée aux Romains à Héraclée.
Il y disposait d'une armée composée de 20 000 à 25 000 hommes et d'une vingtaine d'éléphants venus d'Inde. Au cours de cette bataille, ce sont ces derniers qui furent décisifs car ils semèrent la panique dans les rangs romains.