24 août 2010

Rue des chenevières

Cette rue qui commence après le dernier pont en aval du ruisseau prolonge la Rue de la Fromagerie


Son nom, remarquons-le, est au pluriel.
Ce n'est donc pas le nom du ruisseau qui devrait s'appeler Douve ou Doye (voir article d'hier)
Les chenevières étaient en fait des terres où croissait le chanvre. Terre très riches et très humides.

Aujourd'hui des jardins occupent cette partie du village ainsi que la station d'épuration.
















Une nouvelle maison y a été récemment construite


Et une autre sort de terre.

à l'emplacement d'une ancienne et vaste maison détruite il y a quelques années.
Premier plan de cette photo ancienne :


Revètement en juillet 2014




Parfois le ruisseau donne 

Photo M.V. Octobre 2012

Photo M.V. Octobre 2012

avant de se perdre dans le champ voisin qui ne parvient pas toujours à tout absorber

Photo M.V. Octobre 2012






Le chanvre

Chaque village même dans le haut Doubs, presque chaque famille, avait sa “chenevière” (même Marseille autrefois avec sa canebière), c’était une plantation de chanvre qui exigeait le meilleur terrain et sur lequel en plus on ne ménageait pas les fumures.
La plante ressemblait un peu à un roseau, sa tige de 1 mètre 50 était de la grosseur du petit doigt et à la floraison il ne faisait pas bon se coucher dans une chenevière, on était vite incommodé. La récolte se faisait en septembre, la plante était arrachée plutôt que coupée et ceci s’explique facilement par le peu de racines des plantes annuelles. Tiré, le chanvre était laissé sur place, volontairement exposé aux intempéries, à la pluie surtout pour le rouissage, l’eau dissout la gomme qui relie les fibres textiles. Parfois on utilisait pour un rouissage plus rapide et plus efficace l’eau occasionnelle d’un fossé ou la proximité d’un ruisseau en bord duquel étaient aménagés de petits bacs pour immerger le chanvre. La graine n’avait pas une grande importance, c’est le chenevis (la chènevis) bien connu des éleveurs d’oiseaux ; le terrain une fois libéré, les enfants allaient glaner, échevellaient ce qu’ils pouvaient, le tressaient et s’en servaient pour mettre au bout de la lanière de leurs fouets “ça claquait bien” c’était “la chassoure”. 
Une fois roui (6 semaines environ) le chanvre était lié en bottes et rapporté en lieu sec, pendant l’hiver il était “tillé” ou “teillé” c’est à dire que la fibre était séparée du milieu que l’on rejetait, elle était mise en paquets et portée plus tard au moulin pour passer à la pierre à ribe, une grosse pierre ronde percée d’un trou en son milieu, dans ce trou une pièce de bois avec engrenages en bois très rudimentaires ; la pierre à ribe écrasait le chanvre dans un bassin circulaire, le tout dans une poussière qui faisait encore pincer les narines de ceux qui en parlent et ont expérimenté et qui se souviennent du danger qu'il y avait chaque fois qu’il fallait retourner “les brettons” devant la pierre qui approchait.
Le ribage terminé, il fallait attendre à la maison le passage des “pagnards ou pignards” des gens qui venaient généralement des provinces pauvres : Savoie ou Auvergne et qui l’hiver se spécialisaient dans le peignage du chanvre, ils opéraient avec un grand peigne de 30 sur 15 muni de dents très acérées d’une dizaine de centimètres, ils obtenaient ainsi une filasse prête à être filée et des résidus de peignage appelés : étoupe et dont nous connaissons bien l’usage pour les robinets qui fuient.
Le filage se pratiquait généralement le soir à la veillée par les femmes avec ces filettes (nom franc-comtois du rouet) si recherchées aujourd’hui comme antiquités mais heureusement conservées dans beaucoup de familles, la filasse était placée sur une quenouille d’où le fil était tiré avec plus ou moins de régularité selon le coup d’oeil et le coup de pédale de la fileuse. Le fil était ensuite porté au tissage. Le tisserand faisait une toile finalement assez grossière et de couleur jaune-brun, elle était plus grossière dans nos pays que sur les plateaux parce que le chanvre poussait trop dru avec beaucoup de branches et tout cela donnait du grain à la toile. Cette toile il fallait l’assouplir pour pouvoir s’en servir, elle était alors portée au foulge à Baume les Dames où l’opération se faisait mécaniquement ; mais il semble toutefois que le foulage ne se pratiquait pas fréquemment pour raisons d’économie alors il était remplacé par 2 opérations dont la première consistait à battre la toile au lavoir et la seconde à la laver plusieurs fois pour la faire devenir plus blanche. La toile un peu assagie était ensuite confectionnée en draps et menus linges qui peuplent encore combien de vieilles armoires, 5 ans d’usage et de lavage finissaient par les rendre à peu près blancs et moins “rèches”, au toucher, on fabriquait aussi des chemises de femme qui au dire de certains tenaient debout toutes seules.
(Extrait de la publication “Pour servir l’Histoire de Cuse et Adrisans - Nans - Gondenans les Moulins” Chapitre XI page 63) 1972 avec l'autorisation de l'auteur l'Abbé Afred BOUVERESSE 
La culture du chanvre reprend dans certaines conditions