23 janv. 2015

Samedi 23 janvier 1915

Louis Pergaud écrit à son épouse :

   "Nous sommes revenus hier soir de Pintheville ici 1 par un magnifique clair de lune sur une bonne route gelée où les clous de mes souliers sonnaient sec et nous avons trouvé nos cantonnements d'il y a 12 jours, notre petite cave hospitalière où nous avons bien dormi sur de la paille pas trop défraîchie. Nous n'y avons pas eu froid, c'est l'essentiel, et la journée d'aujourd'hui a été aussi calme qu'au dernier cantonnement. Pas un obus. Mais ça ne veut pas dire que nous sommes exempts de bombardement et le capitaine de H..., chef de cantonnement, vient à l'instant de nous prévenir qu'il se pourrait bien que nous ayons alerte dans la nuit et nous donner les instructions nécessaires pour le cas où la chose adviendrait ...
   Nous venons de passer une soirée très gaie : il y a eu concert, retraite au flambeau dans la cuisine avec une bougie au bout d'un fusil, un balai, une hache et une massue, tellement et si bien qu'on est venu nous prier d'"y mettre un bouchon" 2. Nous avons fait revenir de Verdun, grâce à la complaisance de notre nouveau lieutenant qui commande la compagnie, un tas de provisions qui nous assurent trois jours d'une nourriture abondante et variée et ... du vin à boire.

1  Au repos à Manheulles.

2 "Le soir gaîté. Dessin nous fait un souper exécrable : potage trop salé, boeuf froid, macaroni colle de poisson, on en rit. Oudin plonge sa main dans une gamelle pleine de ce mélange en disant : "bataille de confettis" retraite aux flambeaux, concert. Les poilus rouspètent pour le vin." (Carnet de guerre, 23 janvier 1915.)